Les Chaussettes Noires
À l'origine de ce qui va devenir le premier groupe professionnel de rock'n'roll en France, il y a la rencontre en 1959 de Claude Moine, le futur Eddy Mitchell, et d'Aldo Martinez. Une passion commune pour le rock and roll, cette musique venue des États-Unis alors quasi méconnue en France, les rassemble. Claude est tenaillé par l'envie de chanter, Aldo joue de la guitare. C'est ce dernier qui va réunir deux autres membres : William Benaïm à la guitare, Jean-Pierre Chichportich à la batterie. Un cinquième élément, en la personne de Tony d'Arpa en seconde guitare s'ajoute peu après à la formation. Tous, à l'exception d'Eddy Mitchell, sont pieds noirs. Ainsi complet, le groupe se nomme dans un premier temps Eddy Dane et les Danners, puis Les Five Rocks et encore Les Cinq Rocks. En 1960, près de la rue Saint-Dominique à Paris, alors qu'ils répètent sur la scène d'une salle paroissiale, le responsable, un non voyant nommé Daniel Gouin, les enregistre sur un magnétophone, captant ainsi quatre titres qui durant près de quarante ans resteront inédits, (voir Les 5 Rocks) : Be-Bop-A-Lula (en anglais), Betty (adaptation française de Baby Blue, Tant pis pour toi (adaptation de Wild Cat) de Gene Vincent et L'Ours gris (adaptation de Running Bear de Johnny Preston ; ce dernier reste totalement inédit, tandis que les trois autres seront au programme des deux premiers 45 tours des Chaussettes noires en 1961. Les adaptations françaises sont pour la première fois signées par Eddy Mitchell sous son vrai nom Claude Moine. En novembre 1960 les Five Rocks sont auditionnés aux studios Hoche à Paris par Jean Fernandez puis Eddie Barclay.
Le temps des succès
Retour au Palais des sports de Paris, le 18 juin 1961, pour le second festival de rock'n'roll, où cette fois, Les Chaussettes noires sont programmées en vedette ; La veille, Eddy Mitchell s'est marié avec Françoise Lavit. Le 25 août, le groupe est à l'affiche au Vieux-Colombier de Juan-les-Pins, pour La première coupe du monde de rock'n'roll. Durant l'été, Les Chaussettes noires participent au film Les Parisiennes ; Pour l'occasion, un certain Kôkô, que ne tardera pas à se faire connaître sous son véritable nom Claude François, leur apprend les pas nécessaire à la chorégraphie. En septembre, sort un nouveau 45 tours : Madame madame, (titre très librement adapté du classique d'Édith Piaf Padam... Padam), Dactylo rock, (qui obtient un grand succès), Chérie oh chérie, Trop jaloux. Le 7 novembre, ils sont avec Helen Shapiro et Vince Taylor au programme de l'Olympia. Ils obtiennent un grand succès à l'Alcazar de Marseille, avant de se produire en vedette à l'ABC du 22 novembre au 14 décembre. Ce même mois, sort un cinquième super 45 tours, où l'on voit le groupe de rock s'adonner aux chant de Noël façon twist : Noël de l'an dernier, Vivre sa vie, Le Twist du Père Noël, Noël en France. En décembre, sort un nouveau 45 tours et leur second Rock'n'Twist, qui cède à la mode du moment, alors que Mitchell n'apprécie que modérément cette nouvelle danse. En février 1962, sur le titre Peppermint twist, la formation s'enrichit d'un saxophoniste, Michel Picard dit « Mick ».
• Principaux succès : Après les succès de « Tu parles trop » et « Be Bop A Lula », c’est « Daniela » qui casse la baraque... au propre comme au figuré, car le concerts des Chaussettes Noires deviennent le refuge des blousons noirs qui profitent des shows pour se battre et ruiner les salles de spectacles à tel point que la police doit intervenir à plusieurs reprises. C’est la période la plus intense pour Eddy Mitchell et ses musiciens qui sortent 45-tours sur 45-tours. « Eddy, sois bon », « Madam, Madam », « Dactylo Rock », « Le Twist du père Noël » et « Peppermint twist » sont les grands succès des années 1961 et 1962. Pas moins de trois albums 33-tours voient également le jour pendant cette période : 100% Rock, Rock and Twist et le dernier au titre peu modeste mais réaliste, 2.000.000eme Disque des Chaussettes Noires sont autant de compilations de rock.
Le temps des fissures
L'année 1962 est pour le groupe une succession de départ au service militaire, (les moins âgés d'entre eux devancent même l'appel pour se retrouver au complet et ensemble vingt-un mois plus tard). Le mars 1962, Eddy Mitchell est incorporé à Montlhéry durant ses classes, puis dans la capitale où lui est confié l'organisation du ciné-club. William Bennaïm, Tony d'Arpa et Aldo Martinez partent à l'armée en juillet, suivis de peu par Mick Picard, que remplace au saxophone Michel Gaucher. La formation n'en reste pas moins active, bien qu'il soit inenvisageable d'organiser la moindre tournée au complet. Les permissions tombant rarement aux mêmes dates, il est aussi difficile de planifier des séances en studios. En 2005, Paul et Gilbert se produisent de nouveau ensemble au Club Lionel Hampton de l'ex-Hôtel Méridien de la Porte Maillot à Paris toujours soutenus par les Socquettes blanches.
• Les Chaussettes ont des trous... : À partir du, et pour une dizaine de jours, ils sont à nouveau à l'Olympia ; ayant obtenu une permission, le batteur Gilbert Bastelica est de retour. À propos de cet Olympia et de l'armée, Eddy Mitchell, en 1967, confie dans le du magazine « Rock & Folk » : « Quand ils se sont aperçus qu'ils pouvaient gagner de l'argent avec nous, ils nous ont fait passer à l'Olympia. Je leur ai dit « Moi je n'ai pas du tout envie de passer à l'Olympia et de donner la moitié de mon cachet au profit des œuvres pour l'armée. ». Ils m'ont répondu : « On ne peut pas vous avoir en ce moment, mais vos petits copains les Chaussettes noires, on peut les envoyer au fin fond de l'Allemagne et vous ne serez pas près de faire des disques. ».
• Les débuts en solo d'Eddy Mitchell : Durant l'été 1962, à Juan-les-Pins, Eddy Mitchell est accompagné sur scène non pas par ses complices (deux d'ailleurs sont dans la salle en spectateurs), mais par le groupe Les Fantômes. Toujours « en solitaire », en mars 1963, il se produit en banlieue parisienne, accompagné par Jean Veidly, guitariste du groupe Les Pirates, remplaçant provisoire d'Aldo Martinez. En 1962, le chanteur enregistre plus d'une vingtaine de titres avec les Chaussettes noires, dont un en duo avec Gillian Hills et un autre avec Maurice Chevalier ; sept super 45 tours sont commercialisés et, en mars, parait leur premier album Le 2 000 000e disque des Chaussettes noires. Le chanteur enregistre aussi : Mais reviens-moi, C'est à nous, Quand c'est de l'amour, Angel, diffusé en novembre en EP. Pour ce premier disque en solo, Eddy Mitchell, dans un changement de registre total, est accompagné par l'Opéra House Orchestra dirigé par Jean Bouchéty. 1963, est du point de vue discographique l'exact contraire, Eddy Mitchell enregistre en solo une trentaine de titres contre cinq avec les Chaussettes.
• La nouvelle formation : L'annonce du départ de Mitchell est d'autant plus rude que plusieurs concerts sont prévus à Bobino début janvier. En conséquence (au terme du premier), un nouveau contrat est signé avec les membres restant et, dès janvier 1964, le groupe change de formule pour adopter le style de l'époque, c'est-à-dire un combo de musiciens chanteurs, à l'instar des Beatles, dont d'ailleurs ils reprennent en version française un de leurs succès du moment »I Wanna Be Your Man » (Je te veux toute à moi). Paul Benaïm, déjà guitariste du groupe depuis 1963, remplace définitivement Tony d'Arpa démissionnaire et devient le soliste et l'organiste du nouveau groupe. La nouvelle formation composée d'Aldo (basse et chant), William (guitare rythmique et chant), Paul (guitare solo, orgue et chant) et Gilbert (batterie et percussions), enregistre deux super 45 tours en janvier et avril 1964. Pendant l'hiver 1964 le groupe se remet au travail. Après le départ d’Eddy, une séance de photos se tient le 10 janvier à Paris où la nouvelle physionomie du groupe est mise en scène ; ils retrouvent la petite salle de leur début...