L'ère de la provocation
A part dans la déferlante yéyé, Jacques Dutronc connaît son premier grand succès en 1966 avec « Et moi, et moi, et moi ». Un an plus tard, « Les cactus » deviennent une affaire d'état. Georges Pompidou s'y frotte et s'y pique, en déclarant lors d'un débat à l'Assemblée Nationale « Comme le dit Jacques Dutronc : il y a un cactus ». Les provocations de Jacques Dutronc ne laissent pas non plus indifférent l'épiscopat français. En 1969 le dandy, qui vit avec Françoise Hardy depuis 1967, se produit sur la scène de « La tête de l'art » en tenue de curé. Pour autant le spectacle continue, « Il est 5 heures, Paris s'éveille » en 1968. Provocateur également, « L'homme à la tête de choux ». Serge Gainsbourg met l' « Eau à la bouche » en 1961 et un an plus tard, ne vous déplaise, « La Javanaise » fait de Serge Gainsbourg l'auteur en vogue. En 1968, il trouve son égérie en la personne de Jane Birkin qu'il rencontre à Londres lors d'une audition pour le film « Slogan » de Pierre Grimblat. « 69 année érotique ». Par ailleurs, la chanson « Je t'aime moi non plus », avec Jane Birkin devient un succès international (une première version est enregistrée avec Brigitte Bardot). Derrière les lunettes et les mèches revêches, Michel Polnareff n'a pas encore défrayé la chronique en montrant ses fesses sur les colonnes Morris parisiennes...il faut attendre 1972... Mais d'ores et déjà, il connaît un succès international avec « La poupée qui fait non », qui sera reprise en anglais par Scott Mac Kenzie. Un scandale, celui provoqué par Julien Clerc qui apparaît quasiment nu dans « Hair ». Le chanteur est finalement remplacé par Gérard Lenorman dans cette adaptation française de la comédie musicale américaine, apologie de la culture hippie en 1969.
Les idoles sur la même longueur d'ondes
La radio et la télévision prospèrent durant les années 60. La morosité laisse place à la convivialité, les émissions de jeunesse et d'information se multiplient grâce à une plus grande souplesse technique. Les Français, jusqu'alors spectateurs passifs, deviennent des acteurs complices. En radio, l'émission « Salut les copains » (qui devient également un magazine jusqu'en 1976), créée en 1959 par Lucien Morisse et animée par Frank Ténot et Daniel Filipiacchi jusqu'en 1969, devient mythique. Elle favorise l'émergence des yéyés et du « rock and roll », accélérant ainsi le phénomène des idoles. A la télévision, l'émission de variété « Age tendre et tête de bois », animée par Albert Raisner, réunie en plateau les vedettes les plus populaires entre 1961 et 1966.
Le rendez-vous est ensuite rebaptisé « Tête de bois et tendres années » jusqu'en 1968. Telle une messe, les spectateurs suivent également, entre 1963 et 1966 sur la première chaîne de l'ORTF, la série « Thierry la fronde » avec un Jean-Claude Drouot. L'émission « Dim Dam Dom », née en 1965 séduit les femmes modernes et parfois sophistiquées. Emission ludique, elle est composée de courtes séquences présentées par des actrices ou des chanteuses en vogue (Anna Karina, l'égérie de Jean-Luc Godard, ou encore Agnès Varda, qui met en lumière le couple Louis Aragon et Elsa Triolet dans son film « Elsa la Rose »). Les robes vichy de la fin de la décennie laissent place aux pantalons pattes d'éléphant.. Retour...

C’était au temps où, au lycée, les garçons devaient avoir les cheveux rasés derrière les oreilles et les filles étaient interdites de pantalon. Au temps de l'apparition des premiers transistors et tourne-disques portables. A l'époque où une émission de radio va enflammer et rassembler une jeunesse qui n'avait jusque-là pas son mot à dire. Lancée le 19 octobre 1959 sur les ondes d'Europe n° 1 par Frank Ténot et Daniel Filipacchi, tous deux fous de jazz, « Salut les copains » (SLC), devient vite l'émission-phare des baby-boomers. Le rendez-vous quotidien, entre 17 et 18 heures, des collégiens et des lycéens. Durant cette tranche horaire, animée par Daniel Filipacchi, défilent ceux que l'on nomme alors les « rockeurs » : Elvis Presley, déjà star aux Etats-Unis, et de jeunes inconnus tels Dick Rivers et son groupe Les Chats sauvages, Eddy Mitchell et ses Chaussettes noires, ou encore le presque ado Johnny Hallyday ; tous pionniers du rock'n'roll en France. Une époque, les années 1960-1970, que nous fait revivre ce charmant document diffusé en quatre épisodes,
où, quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'adolescence était considérée comme une rapide transition entre enfance et âge adulte. C'est justement parce que les ados se sentaient dédaignés que leur ferveur en une culture qui leur est uniquement réservée va décupler. Flairant la bonne affaire, les maisons de disques lancent de nouvelles voix à tour de bras : apparaissent Richard Anthony, Sylvie Vartan, Françoise Hardy, Petula Clark, puis Sheila, Frank Alamo, Hervé Vilard, France Gall, Claude François, Hugues Aufray Christophe. Sans oublier d'éphémères célébrités tels les groupes Les Surfs, Les Gam's ou Les Parisiennes. Mais les copains adorent aussi Claude Nougaro et Leny Escudero, des chanteurs à texte qu'ils placent, dans leur panthéon musical, aux côtés des vieux de la vieille, Jacques Brel et Georges Brassens. Les années yéyé ne font pas uniquement référence aux chansons d’amour. Quelques années plus tard, c’est La Californie de Julien Clerc.

